Publié 11-05-2020
L’objectif de l’OCDE est de favoriser une négociation multilatérale plutôt que des bilatérales.
Ceux que la matière passionne, sont invités à consulter les 30 pages du document OCDE des 29 et 30 janvier 2020 relatif à l’approche en deux piliers en lien avec la taxation de la digitalisation de l’économie.
Le premier pilier propose une méthode pour taxer les entreprises digitales. Bien qu’aucun chiffre ne soit actuellement définitivement retenu, ce régime s’adresserait aux groupes d’entreprises réalisant au niveau mondial un chiffre d’affaires de minimum 750 millions d’euros. Elles doivent relever des services numériques automatisés fournis à des consommateurs particuliers ou par le biais de tiers intermédiaires. Sont notamment envisagées les activités où l’application du concept d’établissement stable n’a pas de prise telles que les :
- moteurs de recherche en ligne;
- plateformes de médias sociaux;
- plateformes d’intermédiation en ligne;
- streaming de contenu numérique;
- jeux en ligne;
- services de cloud computing ;
- services de publicité en ligne.
La motivation est qu’à l’ère numérique, l’attribution du droit d’imposer certains bénéfices ne peut plus être uniquement fonction d’une présence physique.
Le but est aussi d’éviter des doubles taxations. En effet, il n’y pas que la France qui a rédigé une loi (actuellement suspendue) visant à taxer une partie du chiffre d’affaires des GAFA (3 % en France si supérieur à 25 millions d’euros), mais également au moins 13 autres pays dont l’Italie, la Turquie, l’Inde,… et sachant que 16 autres pays envisagent en tout ou en partie une telle taxe.
Le second pilier (dénommé proposition « GloBE ») élargit la réflexion à toutes les entreprises multinationales en proposant une imposition minimale. Il vise à chercher une solution pour les problèmes BEPS non résolus et dès lors à examiner la possibilité de prévoir le droit de taxer un bénéfice non taxé dans une autre juridiction, ou qui y a été soumis à un taux trop faible d’imposition. Une des questions qui se pose est de savoir quel taux sera retenu comme suffisant.
Les entreprises qui sont surtout visées sont celles dont les actifs immatériels sont prédominants. Dans le cadre des futures négociations, la Belgique a déjà fait savoir qu’elle est d’avis que n’entre pas dans le champ du second pilier la déduction pour revenus d’innovation.
Si ces travaux sont traduits en convention multilatérale et mis en œuvre dans les Etats, une première estimation laisse penser que les groupes d’entreprises pourraient voir leur charge fiscale augmentée de 100 milliards de dollars (96 milliards d’euros). Selon l’OCDE, 27.000 multinationales pourraient être visées.
Ce document est toujours à l’état de projet mais pourrait voir le jour sous forme définitive au plus tôt en juillet 2020 et peut être fin 2020. A ce stade, les réflexions sont encore fort conceptuelles. Cela risque de changer le jour où chacun des Etats associés à la réflexion de l’OCDE calculera l’impact réel des propositions sur ses finances publiques et les entreprises localisées sur leur territoire. Il est évident qu’il y aura des gagnants et des perdants ce qui ne facilitera pas le consensus. Si la Belgique peut attendre de légères retombées budgétaires positives du pilier 1, elle risque par contre de voir ses recettes diminuées dans le cadre du pilier 2, surtout si une partie des bénéfices est transférée vers les pays de consommation de nos produits.
Auteur : Jean de LAME, Professeur à l’Ecole Supérieure des Sciences Fiscales (ICHEC)
Sources : OECD, KPMG (2020)
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